Assurance & Etablissement des preuves
Il est d’abord nécessaire de distinguer ce qui relève de la couverture d’assurance et ce qui relève de la responsabilité civile.
En effet, l’assurance de responsabilité civile a uniquement pour but de couvrir la responsabilité civile du preneur d’assurance. Elle ne peut par contre pas avoir pour effet de supprimer ou d’atténuer la responsabilité civile du preneur d’assurance, ni au contraire de l’étendre.
A l’inverse, l’existence d’une couverture d’assurance n’est pas et ne peut pas être la condition à l’engagement de la responsabilité civile de la personne qui a causé un dommage à un tiers.
Aussi, la couverture d’assurance exigée en l’espèce de la part de l’exploitant concerne la responsabilité assumée par celui-ci à raison de dommages qui pourraient être causés à des tiers. L’étendue de la couverture d’assurance dépend du contrat, mais également des dispositions légales y relatives, notamment de la loi fédérale sur le contrat d’assurance.
Pour le cas où un dommage dont l’exploitant aurait à assumer la responsabilité civile ne bénéficierait plus d’une couverture d’assurance, ou seulement d’une couverture d’assurance insuffisante, l’exploitant aurait alors à en répondre sur son propre patrimoine.
Aucun autre mécanisme d’assurance ou qui pouvant y être assimilé n’est prévu pour le cas où un dommage ne pourrait pas être indemnisé sur la base de ce qui précède.
Quant à savoir si la responsabilité de l’Etat ou d’une autre collectivité publique ayant soutenu le projet pourrait être engagée dans un tel cas, il appartiendrait aux tribunaux d’en juger.
Il existe des éléments en relation avec votre question dans les prescriptions du plan spécial cantonal (art. 37) ainsi que dans la convention du 17 juin 2023 (art. 2, 5, 19 et 20), en voici quelques extraits :
Prescriptions du plan spécial :
art. 37.3 : « La police d’assurance devra être formulée de manière à garantir la couverture du risque indépendamment du devenir de la société exploitante (cas de faillite). »
Convention du 17 juin 2023 :
art. 2.1.2 : « Les obligations de responsabilité et de paiement... » (en terme de responsabilité civile et d'assurance) « ... resteront en vigueur jusqu’à ce que toutes les obligations aient été éteintes et que tous les litiges auront été résolus. »
art. 19.1.1 : « L’Exploitant répond, en application des dispositions légales en matière de responsabilité civile et de droit public, de tous les dommages découlant de la réalisation du Projet et notamment du risque sismique et des conséquences qui s’ensuivent, dans toutes les phases du Projet. »
En cas de faillite de l'Exploitant, le contrat d’assurance prend fin avec la déclaration de faillite (cela fait l’objet d’un jugement dont le dispositif est publié dans le journal officiel). Dans un tel cas, les dommages causés avant la fin du contrat restent assurés pour autant qu’ils soient annoncés dans les 5 ans suivant la fin du contrat (selon les termes de l’assurance RC de l’Exploitant).
En cas de dommage, il est important de distinguer entre la cause et la survenance. En effet, la cause doit être antérieure à la fin du contrat, tandis que la survenance peut y être postérieure. Pour un dommage consécutif à un séisme, il y aura lieu de remonter à la cause du séisme. Ce qui sera déterminant à cet égard sera de savoir si le séisme est de cause naturelle ou s’il est la conséquence de l’exploitation.
En conclusion, pour qu’un sinistre puisse être couvert, il faut d’une part que sa cause soit la conséquence de l’exploitation et qu’elle soit donnée pendant la durée du contrat d’assurance, d’autre part que le dommage soit annoncé au plus tard dans les 5 ans suivant la fin du contrat.
Le projet de géothermie profonde de Haute-Sorne est calibré afin que le risque que des tremblements de terre provoquent des dommages en surface soit le plus faible possible et un ensemble de mesures strictes sont prévues à cet effet. Les projets géothermaux qui se sont traduits par un échec en terme de sismicité induite tels que ceux de Vendenheim (Alsace) ou Pohang (Corée du Sud) ne bénéficiaient pas d’un tel assortiment de mesures.
Si, malgré ces mesures, des dommages devaient survenir en surface en lien avec un séisme induit par le projet de géothermie profonde, vous seriez (selon information fournie par le courtier de Geo-Energie Jura/Suisse en reprenant votre exemple de pompe à chaleur) indemnisée comme suit :
- Dans l’hypothèse où l'installation a subi un dommage total, la valeur vénale de l'installation est indemnisée. L'indemnisation à la valeur vénale est un principe général du droit de la responsabilité civile. Le calcul de la valeur vénale se fait basé sur le prix de remplacement par une installation neuve moins déduction de la quote-part correspondant à la durée d'amortissement. Supposons que le prix à neuf de votre pompe à chaleur est CHF 60'000.--. Supposons que la durée de vie de l’installation est de 20 ans. Dans votre exemple, 5 ans de la durée de vie de l’installation sont déjà amortis. La valeur vénale et par conséquent l'indemnité correspondent ainsi aux 3/4 du prix neuf, soit CHF 45'000.--.
- Dans le cas où il n'y a pas de dommage total et si les frais de réparation ne dépassent pas la valeur vénale de l’installation, les frais de réparation effectifs sont indemnisés : supposons que le prix à neuf de la pompe à chaleur est CHF 60'000.--. Supposons que la durée de vie de l’installation est de 20 ans. Dans votre exemple, 5 ans sont déjà amortis. La valeur vénale correspond ainsi aux 3/4 du prix neuf, soit CHF 45'000.--. Les frais de réparation s’élèvent à CHF 20'000.-- et ne dépassent par conséquent pas la valeur vénale. L’indemnité s’élève à CHF 20'000.--.
La valeur vénale représente ainsi en quelque sorte le plafond maximal de l'indemnité en droit de la responsabilité civile.
Dans le cadre de l'établissement des preuves pour le patrimoine bâti, il est prévu que l'Exploitant propose à tous les propriétaire de la Zone d'incidence et de réalisation (voir convention du 17 juin 2022, art. 12.3 et annexes A et C, que vous trouverez au lien suivant: https://www.csi-hautesorne.ch/fr/La-CSI/Reglement-et-conventions/Reglement-et-conventions.html) un protocole de fissures, sur une base volontaire. Ces protocoles seront établis exclusivement aux frais de l'Exploitant.
Par contre, si des propriétaires ou ayants-droits décident, de leur propre initiative et sans accord préalable avec l'Exploitant, de demander la réalisation d'un protocole de fissures autre que celui proposé par l'Exploitant, ils ne pourront en demander le paiement ou le remboursement (ces démarches se feront aux frais des requérants, soit au frais des propriétaires).
Selon publication dans le journal officiel n°15 (https://rsju.jura.ch/fr/Sommaire/Journal-officiel/Journaux-officiels-2023.html), les propositions de convention peuvent être retournées jusqu'à fin juillet, ce à l'adresse suivante:
SiTaDeL Sàrl. Manuel Lachat, Géomètre officiel,
Route de Porrentruy 80
2800 Delémont
Cette information a également été communiquée aux communes concernées.
Le délai communiqué (fin juin) vise à faciliter la mise en œuvre des protocoles.
Comme vous le précisez, la mécanique de haute précision peut être impactée par des vibrations, qu’elles soient d’origine sismique ou non (vibrations liées au passage d’un train, de camions, etc.). Les fabricants d’instruments sensibles aux vibrations fournissent des indications (spécifications vibratoires) qui permettent de connaître la tolérance de ces instruments. Le seuil de magnitude fixé pour le projet de géothermie profonde de Haute-Sorne (seuil fixé = magnitude de moment de 2.6) est à notre connaissance bien en deçà des seuils critiques pour ces machines (les vibrations engendrées par un séisme de magnitude < 2.6 dont l’hypocentre se situe à 4-5 km de profondeur sont très faibles lorsqu’elles atteignent la surface).
Pour exemple, le séisme naturel du 22 mars 2023, largement ressenti en Ajoie, n’a, à notre connaissance, pas eu d’impact sur la mécanique de haute précision. Ce séisme, dont l’hypocentre se situe à environ 5 km de profondeur, est responsable du plus gros tremblement de terre jamais enregistré dans le Canton du Jura. Il est d’une puissance environ 700 fois plus élevée que le seuil fixé pour le projet de géothermie profonde de Haute-Sorne.
S’il advenait qu’en dépit des mesures strictes de planification, suivi et contrôle de la sismicité qui seront mises en place dans le cadre de ce projet, un évènement sismique induit engendrait des vibrations suffisantes pour perturber les instruments de haute précision utilisés dans la région, la responsabilité civile de Geo-Energie Jura SA serait engagée et les mécanismes assurantiels seraient appliqués.
D’ici la réalisation des premières opérations de stimulation hydraulique, différentes actions d’information et de discussions avec les entreprises concernées sont prévues par Geo-Energie Jura SA.